Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

esprit en restât ébranlé. Annette, indemne d’épreuves, se croyait tenue de supporter cette lourde présence. De tous elle était la seule avec qui Apolline consentît à frayer. Les rapports n’allaient pas loin. Cette nature déréglée passait sans transition de l’hostilité maussade à l’ébauche de sympathie, pour retomber au même point. À ces rares moments où elle se rapprochait, on eût dit qu’elle sentait dans la nature d’Annette quelques traits de parenté. Ce n’étaient point ceux qu’Annette avait plaisir à reconnaître ; elle en était gênée. Quand le rideau retombait entre elles, elle avait un soulagement. Mais ces contacts étaient rares ; Apolline, plus souvent, égoïste, s’enfonçait dans le marais de son âme trouble et violente. Une odeur de fièvre en montait. Le jeune chien en arrêt, Marc, l’avait humée avec dégoût, avec attrait. Il la haïssait et il l’épiait. Et cette atmosphère de passion méphitique pesait, les nuits sans sommeil, sur Annette. On eût dit que, dessous les portes, filtrât, le long de l’escalier, une influence paludéenne. Sur le même palier, porte à porte avec Annette, Clarisse, enfermée, grelottait. Elle refusait de voir personne. Elle en voulait au monde entier. Il faisait froid et nuit en elle. Tout son sang était — semblait — arrêté. Elle se sentait comme une