Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/65

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et d’or, de la douleur et de la gloire, le sacrifice du sang divin est célébré.

Et la première qui le but, jusqu’à l’ivresse du désespoir, fut la jeune bouche, faite pour baiser, de Lydia Murisier.

Le bien-aimé était tombé. Dès les premiers jours de septembre. On fut longtemps à l’ignorer. Dans la confusion de ces troupeaux entre-choqués, qui fonçaient, reculaient, renfonçaient, tête baissée, le mur de chair, qui piétinaient la chair des morts, le temps manquait pour faire le compte. Lydia, confiante, lisait encore les lettres du vivant, lorsqu’avait disparu déjà, depuis quinze jours, toute trace de sa substance. La patrie était sauvée ; on ne pouvait imaginer que les sauveurs ne le fussent point. — En octobre, l’arrêt de mort tomba sur la maison. Sa cruauté ne laissait aucun doute. Le récit d’un compagnon disait le jour, l’heure et la place. L’arrêt tomba. Dans la maison, rien ne parut changé. M. Girerd s’était verrouillé. Sans le concierge qui savait tout, nul n’aurait su. Lydia avait passé comme une ombre ; elle était venue chez son beau-père ; elle habitait maintenant avec lui. Mais le logement semblait désert. On n’entendait aucun bruit. Annette longeait la porte, — descendant l’escalier. Le silence l’étreignait ; elle n’osait le rompre…