Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/77

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Marc en profita. Il décampa, rôda, le cœur battant, flairant, plus occupé de voir que de goûter, trop inexpérimenté pour oser, trop orgueilleux pour s’exposer à être moqué, en trahissant son ignorance, — sans s’arrêter, les jambes lasses, la bouche sèche, le feu dans les paumes, allant, venant et revenant, tournant autour… Il n’aurait pas tardé à être happé si, pour sa chance, dès la seconde nuit qu’il battait les fourrés, dans un bar équivoque, parmi une société qui n’était point pour lui, une main, une petite main ferme ne lui eût agrippé l’épaule ; et une voix mi-fâchée, mi-rieuse, lui dit :

— Mais qu’est-ce que tu fiches ici ?

Sylvie, sa tante… Mais elle, qu’y faisait-elle ? Comme il ne manquait pas d’aplomb, il le lui demanda :

— Et toi ?

Elle éclata de rire, l’appela : « Galopin ! » et, lui emprisonnant le bras sous son aisselle, elle lui dit :

— Tu me fais perdre ma soirée. Mais le devoir avant tout ! Je te tiens, je te ramène.

Il protesta en vain. Toutefois, elle consentit à le promener un peu, avant de rentrer. Tante et neveu, bec à bec, se décochèrent des sarcasmes. Elle comprenait bien que le jeune animal eût envie de courir, mais elle avait assez de bon sens pour savoir les dangers d’une précoce liberté…