Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/79

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bête humaine civilisée assaisonne ses instincts féroces d’une odeur de mensonge. Elle la respira dans son petit. Il la portait dans ses vêtements, dans ses cheveux, dans le duvet tendre de son corps… Que l’odeur de mort n’eût pas le temps de l’imbiber jusqu’au cœur !

Ce n’était pas seulement ce trouble éveil de la puberté qui l’effarait, cet assaut des sens, cet égarement de petit faune, qu’il ne pouvait dissimuler. Une mère qui connaît la vie attend cette heure ; et si elle ne la voit pas venir sans émoi, elle ne s’étonne pas ; elle veille en silence et attend — avec tristesse, avec orgueil, avec pitié — elle attend que le jeune mâle ait franchi l’épreuve nécessaire, qui brise la gaine et qui achève de le séparer du corps maternel. Mais cette heure qui, dans les temps calmes, peut sonner comme un bel angélus de midi dans la campagne, par un jour d’avril amoureux, — avait de rauques battements dans la tempête de ces peuples délirants.

Un soir, lasse du labeur et des courses d’un jour, Annette s’était assise au Luxembourg. Son fils vint à passer, avec des compagnons de lycée. Ils s’arrêtèrent pour discuter, au milieu d’une allée. Un bouquet d’arbres les séparait du banc d’où Annette, invisible, assistait. Elle entendit son fils, sa voix ardente et railleuse qui