Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/80

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célébrait les temps proches, où l’on rendrait à la Bochie deux yeux pour un, et pour une dent, toute la gueule. Ces gamins reniflaient d’avance la curée, la sueur et le sang de la bête éventrée ; ils jouaient les hommes forts, sans scrupules inutiles, sans faiblesses. Marc, fanfaron de crimes, disait :

— Les Boches ont violé, égorgé, brûlé : ils ont bien fait ! Nous ferons mieux. La guerre est la guerre. Ce sera la fête. Naturellement, dans nos journaux, nous parlerons pour les idiots, de la civilisation. Nous civiliserons.

On l’approuvait. Il était fier de son succès. Ils n’en finissaient pas de se pourlécher de leurs exploits, « des femmes, des filles qu’ils féconderaient — (ça, c’est dommage !) — du noble sperme des Français ! »… Ces polissons ne savaient pas ce qu’ils disaient. Ils étaient hommes. Les hommes non plus ne savent pas le mal qu’ils font. Mais ils le font.

Annette fut souffletée. L’outrage qui jaillissait de la bouche rieuse de son gamin, elle le reçut au cœur — au ventre… « Feri ventrem !… » — Voilà celui qu’elle avait engendré ! Ce louveteau ! « Il ne savait pas… » Quand il saurait, ne serait-il point pire ?… Comment l’arracher à l’appel immonde de la Forêt ?

Et un autre jour, elle l’entendit, cette fois, en