Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/93

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Le rire d’une foule en goguette est toujours bestial. Celui-là l’était jusqu’à l’effroi. Des deux côtés de la palissade, il ne restait plus que le gorille. L’homme a disparu.

En remontant dans son wagon, Annette fixait, avec un dégoût halluciné, les gueules velues de ses voisins, et sur ses bras le duvet blond.

Cette hantise la poursuivit, les premiers temps, au vieux collège où elle allait enseigner, dans une fosse de Jardin des Plantes… « Jardin des Plantes ! » quelle ironie ! La moindre touffe avait été extirpée de la terre jaune et raboteuse, comme le désert de Tolède. Dans la cour longue, où l’on entrait par une lunette de guillotine, et qu’étranglaient quatre murs de prison, aux yeux chassieux, un arbre unique, un vieux platane, chétif, malingre, et tortu, s’obstinait ; les ongles de ces petits animaux en avaient arraché l’écorce : pas une feuille n’était restée, à portée des griffes, et le tronc était labouré de ruades. On eût dit que grands et petits conspirassent pour arracher la vie. L’État l’arrache aux petits des hommes ; et ils se vengent sur la nature. Détruire ! Détruire !… La paix s’en charge, comme la guerre. C’est la moitié de l’éducation.

De l’autre côté de l’un des quatre murs, coulait un ru empesté par des tanneries. La fétidité fade s’insinuait à l’intérieur des classes humides, où le