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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/202

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contre les guets-apens de l’État… « L’État, c’est moi… » Il en était.

Il y mit ordre. — Il n’était pas, en somme, un mauvais homme. Il eût aimé à aimer un fils, et surtout à être aimé de lui. Il pouvait être un homme d’État corrompu ; homme de famille, il n’eût pas été sans vertus, — ainsi que la plupart de ces bourgeois français. Peut-être Marc et Annette lui eussent été bienfaisants, s’ils eussent consenti à l’accepter. Mais Marc et Annette avaient été impitoyables. Nous n’avons pas à les en louer. L’inhumanité est trop naturelle chez les jeunes hommes. Et quant à la femme, même la meilleure, elle a souvent de sombres replis du cœur, une dureté impénétrable, des ressentiments qu’elle ne s’avoue pas, afin de ne pas avoir à les discuter. Annette pensait, de bonne foi, qu’elle ne pensait pas à Roger Brissot : elle ne lui voulait donc pas de mal, puisque pour elle il était mort. Mais c’est le plus terrible : subconsciemment, elle l’avait tué ; elle lui refusait l’air des vivants. Il y a du crime, qui s’ignore, dans plus d’un cœur, à qui le crime ferait horreur. Et les meilleurs, les plus généreux, ne sont pas les moins à redouter. Ils ne haïssent pas. Ils suppriment. Mieux vaut la haine que ce calme anéantissement. — Même un Brissot n’en était pas capable. Il n’avait pas assez d’énergie personnelle. Ses haines étaient, comme ses amours, incohérentes et d’épiderme. Il fit donner des instructions, pour que Marc ne fût pas inquiété.

Marc ne sut jamais ce qu’il devait à son père, ni la complicité des deux commères : son Assia et la Sylvie. Elles se gardèrent bien de lui en parler. Mais ce secret les rapprocha l’une de l’autre. Sylvie, sans rétracter son animosité contre l’intruse qui était rentrée au nid, relégua ses ressentiments au fond de ses tiroirs, —