Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/303

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le visage d’Annette dans la salle. Elle reconnut (elle connaissait tout, la jeune commère, aux yeux brillants ! ) le fils d’Annette et sa « Moscotte », comme elle disait ; elle se donna même le plaisir de les présenter, sans qu’ils la connussent, au comte Bruno, à la fin de la conférence : car ils flambaient tous deux du désir de lui serrer la main. Mais dans la poussée de cette foule, qui se pressait autour de l’estrade, on ne pouvait guère échanger des propos suivis ; et la présence du jeune couple était pour George une compensation insuffisante : c’était Annette qu’elle voulait voir — et avoir.

Or donc, puisqu’elle voulait, (c’était maintenant une chose décidée !) qui diable pouvait l’en empêcher ?

— Elle n’eut point de cesse qu’elle ne soufflât au comte Chiarenza l’idée d’aller faire visite à Annette. Et elle s’offrit à l’accompagner. Il n’était point dupe, et, chemin faisant, il se fit raconter gentiment le vieux roman, que sa finesse avait éventé. George ne demandait pas mieux. Il y avait trop longtemps que le secret lui démangeait la langue. Et le vieux Italien lui était devenu un camarade de folies, presque un complice. En lui racontant son cambriolage, il lui semblait qu’elle l’avait fait avec lui, de compte à demi. À certains souvenirs drolatiques, ils s’arrêtèrent, au Luxembourg, riant aux larmes. Et en même temps, les yeux de Bruno, hochant la tête, lui disaient : — « Honte !… petite maraudeuse ! Tu n’as pas honte ?… » Et elle avait envie de lui répondre : — « Et toi ?… » Cela n’empêchait pas qu’ils ne ressentissent tous deux l’émotion de ce pauvre amour manqué, meurtri. Et ils se turent, le reste du chemin. Quand ils furent près de la maison, George dit :

— « C’est tout de même dégoûtant, ce que j’ai fait ! Vous n’aurez plus jamais confiance en moi. »