Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/31

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Mais Annette elle-même ne pouvait guider ses enfants que jusqu’à mi-chemin. Après, elle n’en savait pas plus qu’eux. Elle se trouvait déroutée. Elle participait, sans qu’ils se le disent, à la même crise de pensée, — précisément parce que leur nature était apparentée, et que, chacun marchant à son pas, et par d’autres foulées du même sentier, ils aboutissaient à la même impasse.

La religion inexprimée de toute la vie d’Annette, c’était son haut individualisme. Elle s’était nourrie de cette flamme qui, chez elle plus pure que chez la plupart, lui était pourtant l’aliment commun avec les principaux de sa génération, — surtout avec les plus libres et les plus forts, — avec tous ceux qu’elle avait élus ou acceptés, comme amants, amis, ou alliés. À eux, à elle, la tare irrémédiable, le péché paraissait toute aliénation même partielle du libre moi. Tout, plutôt que d’y renoncer ! Gêne matérielle et solitude… C’eût été peu encore. Même, elle eût été encline à verser dans l’excès contraire. Elle s’était sentie plus d’une fois attirée (elle n’aimait pas à en convenir) vers l’asocial, le condottiere. D’où, ses coups de vent, ses conjonctions inexplicables, aux yeux des braves gens qui la connaissaient, avec un Philippe Villard et un