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LES PRÉCURSEURS

à la médiocrité ambiante, à la platitude servilement officielle… Nous sommes las du bourrage de crânes systématique et quotidien… Nous n’avons rien abdiqué de nos droits, pas même de nos espoirs… »[1].

Et chacun de ses cahiers fut une attestation de son indépendance. Parmi les revues de jeunes qui, en ce moment, pointent de toutes parts et surgissent des ruines, il s’affirme comme un chef, par la vigueur de son caractère et sa franchise indomptable.

Il a trouvé un grand ami en le sage Han Ryner, qui promène chez les barbares d’Europe, au milieu du chaos, la sérénité d’un Socrate exilé. Le graveur Gabriel Belot, un sage lui aussi, qui sans trouble et sans haine vit dans l’île Saint-Louis, comme si les deux beaux bras de la Seine le séparaient des tourments du monde, éclaire de la paix de ses dessins lumineux les plus sombres articles.[2] D’autres compagnons, plus jeunes, soldats au front comme Wullens, — tel le poète et critique Marcel Lebarbier, — se rangent à ses côtés, dans le combat pour la vérité.

Le dernier cahier paru de la revue les Humbles, fait de salutaire besogne. Wullens commence par y rendre justice aux rares écrivains français qui se soient montrés, depuis trois ans, libres et humains ; à Henri Guilbeaux et à sa revue « Demain » ;[3] à l’auteur de Vous

  1. Paroles avant le départ (No de mai 1917).
  2. Entre autres, mon article : Aux Peuples Assassinés dont la censure coupa cent lignes, et dont Wullens combla les vides avec des bois gravés de Belot. (No de mai 1917.)
  3. En dépit de la condamnation, qui, depuis, l’a frappé, nous maintenons notre confiance en Guilbeaux. Nous ne partageons pas beaucoup ses idées, mais nous admirons son courage ; et pour tous ceux qui l’ont connu de près, sa loyauté reste au-dessus de tout soupçon.
    R. R., août 1919.