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XVIII

L’HOMME DE DOULEUR


Menschen im Krieg[1]
par Andreas LATZKO


L’art est ensanglanté. Sang français, sang allemand, c’est toujours l’Homme de douleur. Hier, nous entendions la grande et morne plainte qui s’exhale du Feu de Barbusse. Aujourd’hui, ce sont les accents plus déchirants encore de Menschen im Krieg (Hommes dans la guerre). Bien qu’ils viennent de l’autre camp, je gage que la plupart de nos lecteurs belliqueux de France et de Navarre détaleront devant eux, en se bouchant les oreilles. Cela risquerait de troubler leur insensibilité.

Le Feu est plus supportable pour ces guerriers en chambre. Il y règne un parti-pris d’impersonnalité apparente. Malgré le nombre et la précision des figures, aucune ne domine ; aucun héros de roman : on se sent donc moins lié aux peines, partout diffuses ; et celles-ci, comme leurs causes, ont un caractère élémentaire. L’énormité du Destin qui écrase diminue l’amertume de ceux qui sont écrasés. Cette fresque de la guerre

  1. Menschen im Krieg, 1917, édit. Rascher à Zurich (publié dans la collection « Europäische Bücher »).

    Une traduction française, par H. Mayor, a depuis, été publiée en Suisse.