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XX

Un Grand Européen : G.-F. Nicolaï[1]

I


La guerre a fait plier les genoux à l’art et à la science. L’un s’est fait son flagorneur, et l’autre sa servante. Bien peu d’esprits ont résisté. Dans l’art, quelques œuvres seulement, de sombres œuvres françaises, ont fleuri du sol sanglant. Dans la science, l’œuvre la plus haute qui ait émergé de ces trois criminelles années est celle d’un vaste et libre esprit allemand, G.-F. Nicolaï. Je vais tâcher d’en donner un aperçu.

Elle est comme le symbole de l’invincible Liberté, que toutes les tyrannies de cet âge de violence veulent en vain bâillonner : car elle a été écrite dans une prison, mais les murailles n’ont pu être assez épaisses pour empêcher de passer cette voix qui juge les oppresseurs, et qui leur survivra.

Le docteur Nicolaï, professeur de physiologie à l’Université de Berlin et médecin de la maison impériale, se trouvait, quand la guerre éclata, en plein foyer de la folie qui s’empara de l’élite de son peuple. Il n’y céda point. Il osa plus : il y tint tête. Au manifeste des 93 intellectuels, paru au commencement d’octobre 1914, il opposa, dès le milieu d’octobre, un contre-manifeste, un

  1. Dr -med. G.-F. Nicolaï, prof. der Physiologie an der Universität in Berlin : Die Biologie des Krieges, Betrachtungen eines deutschen Naturforschers (La biologie de la Guerre, considérations d’un naturaliste allemand). Art. Institut Orell-Füssli, Zurich, 1917.