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LES PRÉCURSEURS

sance des êtres[1], et celle des limites naturelles à la croissance[2]. Ces limites obligent évidemment au combat les êtres et les espèces, puisqu’il n’y a sur terre d’énergie, c’est-à-dire de nourriture, que pour un nombre restreint d’organismes. Mais Nicolaï montre que la forme la plus pauvre, la plus stupide, on pourrait dire la plus ruineuse de ce combat, est la guerre entre les êtres. La science moderne, qui permet d’évaluer la quantité d’énergie solaire, dont le torrent baigne notre planète, nous apprend que tous les êtres vivants n’utilisent encore aujourd’hui qu’un vingt-millième de cette richesse disponible. Il est clair que, dans ces conditions, la guerre, c’est-à-dire le meurtre accompagné de vol de la portion d’énergie possédée par autrui, est un crime sans excuse. C’est, dit Nicolaï, comme si mille pains étaient étalés devant nous, et que nous allions tuer un pauvre mendiant, pour lui voler une croûte. L’humanité a devant elle un champ presque illimité, et le vrai combat qu’elle doit livrer est le combat avec la nature. Tout autre l’appauvrit et la ruine, en la détournant de l’effort principal. La méthode féconde repose sur la captation de sources toujours nouvelles d’énergie. Le point de départ a été, dans la préhistoire, la découverte du feu, jailli de la plante : cette découverte a marqué une nouvelle orientation pour l’homme et l’avènement de sa suprématie sur la nature. Ce nouveau principe a été exploité d’une façon si intensive, dans les cent dernières années, que l’évolution humaine en est entièrement transformée. Actuellement, tous les problèmes principaux sont à peu

  1. « Tout être, et, avant tout, tout être vivant a tendance à persévérer dans la croissance indéfinie. »
  2. Limite par osmose, pour les cellules isolées ; limite mécanique, pour les individus polycellulaires ; limite énergétique, pour les groupements supérieurs des individus en des êtres collectifs, des communautés sociales.