étreindre. Il parle quelque part avec un dédain bien injuste et surtout bien inattendu chez lui, des « Vielwisser »,[1] de ceux qui savent trop de choses. Mais lui-même est un « Vielwisser », et un des plus beaux types de ce genre, trop rare à notre époque. Dans tous les domaines : art, science, histoire, religion, politique, il jette un regard pénétrant, mais rapide et tranchant ; et partout ses vues sont vives, souvent originales, souvent aussi discutables. La profusion de ses aperçus de omni re scibili, la richesse de ses intuitions et de ses développements, ont un caractère brillant et parfois aventureux. Les chapitres historiques ne sont pas impeccables ; et sans doute, le manque de livres explique certaines insuffisances ; mais je crois que l’esprit de l’auteur en est aussi responsable. Il est singulièrement primesautier et passionné : d’où son charme, mais son danger. Ce qu’il aime, il le voit à merveille. Mais gare à ce qu’il n’aime pas ! Témoin les pages méprisantes et sommaires, où il juge en bloc les artistes contemporains d’Allemagne.[2]
Chose curieuse que ce biologiste allemand ne ressemble à rien tant qu’à un de nos Encyclopédistes français du dix-huitième siècle ! Je ne vois personne aujourd’hui en France qui soit, à ce degré, de leur lignée. Diderot et Dalembert eussent fait place avec joie parmi eux à ce savant qui humanise la science, — qui brosse hardiment un tableau plein de vie, une brillante synthèse de l’esprit humain, de son évolution, de sa multiple activité et des résultats où elle est parvenue, — qui ouvre toutes grandes les portes de son laboratoire aux gens du monde intelligents — et qui, délibérément, veut faire de la science un ins-