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LES PRÉCURSEURS

sur la société d’aujourd’hui. J’ai l’impression qu’une des erreurs morales dont souffre le plus l’Europe d’à présent, l’Europe qui s’entre-déchire, c’est d’avoir conservé l’idole héroïque et oratoire de la patrie gréco-latine, qui ne correspond pas plus au sentiment naturel de la Patrie d’aujourd’hui, que ne correspondent aux vrais besoins religieux de notre temps les divinités d’Homère.

L’humanité vieillit, mais elle ne mûrit pas. Elle reste empêtrée dans ses leçons d’enfance. Son plus grand mal est sa paresse à se renouveler. Il le faut cependant. Se renouveler et s’étendre. L’humanité se condamne, depuis des siècles, à ne faire usage que d’une faible portion de ses ressources spirituelles. Elle est comme un colosse, à demi paralysé. Elle laisse s’atrophier une partie de ses organes. N’est-on point las de ces nations infirmes, de ces membres épars d’un grand corps, qui pourrait dominer notre monde planétaire !

« Membra sumus corporis magni. »

Que ces membres se rejoignent, et que l’Adam nouveau, l’Humanité se lève !


Villeneuve, 15 mars 1918.


(Revue politique Internationale, Lausanne, mars-avril 1918.)