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LES PRÉCURSEURS

nases et des écoles. J’exprimerais notamment le vœu qu’on établît, dans les écoles primaires de tous les pays d’Europe, l’enseignement obligatoire d’une langue internationale. Il en est d’à peu près parfaites (Espéranto, Ido), qu’avec un minimum d’efforts, tous les enfants du monde civilisé pourraient, devraient savoir. Cette langue ne leur serait pas seulement d’une aide pratique sans égale, pour la vie ; elle leur serait une introduction à la connaissance des langues nationales, et de la leur propre : car elle leur ferait sentir, mieux que tous les enseignements, les éléments communs des langues européennes et l’unité de leur pensée.

Je réclamerais de plus, dans l’enseignement primaire et secondaire, une esquisse de l’histoire de la pensée, de la littérature, de l’art universels. J’estime inadmissible que les programmes de l’enseignement s’enferment dans les limites d’une nation, — elle-même restreinte à une période de deux ou trois siècles. Malgré ce qu’on a fait pour le moderniser, l’esprit de l’enseignement reste essentiellement archaïque. Il prolonge parmi nous l’atmosphère morale d’époques qui ne sont plus. — Je ne voudrais pas que ma critique fût mal interprétée. Toute mon éducation a été classique. J’ai suivi tous les degrés de l’instruction universitaire. J’étais encore du temps où fleurissaient le discours latin et le vers latin. J’ai le culte de l’art et de la pensée antiques. Bien loin d’y porter atteinte, je voudrais que ces trésors fussent, comme notre Louvre, rendus accessibles à la grande masse des hommes. Mais je dois observer qu’il faut rester libre vis-à-vis de ce qu’on admire, et qu’on ne l’est pas resté vis-à-vis de la pensée classique, — que la forme d’esprit gréco-latine, qui nous demeure collée au corps, ne répond plus du tout aux problèmes modernes, — qu’elle impose aux hommes qui l’ont subie, dès l’enfance, des préjugés accablants, dont ils ne se dégagent pour la plupart, jamais, et qui pèsent cruellement