Page:Rolland - Les Précurseurs.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
LES PRÉCURSEURS

lution est venue réveiller notre Europe assoupie dans l’orgueilleux souvenir de ses Révolutions d’autrefois. Marchez de l’avant ! Nous vous suivrons. Chaque peuple à son tour guide l’humanité. Vous, dont les forces jeunes ont été ménagées pendant des siècles d’inaction imposée, reprenez la cognée où nous l’avons laissé tomber, et, dans la forêt vierge des injustices et des mensonges sociaux où erre l’humanité, faites-nous des clairières et des chemins ensoleillés !

Notre Révolution fut l’œuvre de grands bourgeois, dont la race est éteinte. Ils avaient leurs rudes vices et leurs rudes vertus. La civilisation actuelle n’a hérité que des vices : le fanatisme intellectuel et la cupidité. Que votre Révolution soit celle d’un grand peuple, sain, fraternel, humain, évitant les excès où nous sommes tombés !

Surtout, restez unis ! Que notre exemple vous éclaire ! Souvenez-vous de la Convention française, comme Saturne, dévorant ses enfants ! Soyez plus tolérants que nous ne l’avons été. Toutes vos forces ne sont pas de trop pour défendre la sainte cause dont vous êtes les représentants, contre les ennemis acharnés et sournois, qui peut-être en ce moment vous font le gros dos et le ronron comme des chats, mais qui dans la forêt attendent le moment où vous trébucherez, si vous êtes isolés.

Enfin, rappelez-vous, nos frères de Russie, que vous combattez et pour vous et pour nous. Nos pères de 1792 ont voulu porter la liberté au monde. Ils n’ont pas réussi ; et peut-être ne s’y étaient-ils pas très bien pris. Mais la volonté fut haute. Qu’elle soit aussi la vôtre ! Apportez à l’Europe la paix et la liberté !


(Revue Demain, Genève, 1er mai 1917.)