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LES PRÉCURSEURS

pas aujourd’hui ; elle abonde, au contraire ; mais elle est mise au service d’un idéal passé, qui est oppressif et qui tue. J’avoue que je me suis un peu détourné des grands hommes du passé, comme exemples de vie : pour la plupart, ils m’ont déçu ; je les admire, esthétiquement, mais je n’ai que faire de leur intolérance et de leur fanatisme, trop fréquents ; beaucoup des dieux qu’ils servaient sont devenus aujourd’hui de dangereuses idoles. Si l’humanité n’est pas capable de dépasser leur idéal et d’offrir aux générations qui viennent de plus larges horizons, alors je crains qu’elle ne manque à ses plus hautes destinées. En un mot, j’aime et j’admire le passé ; mais je veux que l’avenir le surpasse. Il le peut. Il le doit…

(Maxime Gorki répondit à cette lettre) :


Petrograd, le 18–21 mars 1917.


Je me hâte de vous répondre, cher Romain Rolland. Le livre de Beethoven doit être destiné à la jeunesse (13–18 ans)… Il doit être un récit objectif et intéressant de la vie d’un génie, de l’évolution de son âme, des principaux événements de sa vie, des souffrances qu’il a su vaincre et de la gloire dont il fut couronné. Il serait désirable de connaître tout ce qui est possible sur l’enfance de Beethoven. Notre but est d’inspirer à la jeunesse l’amour et la confiance dans la vie ; dans les hommes nous voulons apprendre l’héroïsme. Il faut faire comprendre à l’homme que c’est lui qui est le créateur et le maître du monde, que c’est sur lui que retombe la responsabilité de tous les malheurs de la terre, que c’est à lui aussi que revient la gloire de tout le bien de la vie. Il faut aider l’homme à briser les