Page:Rolland - Les Précurseurs.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
54
LES PRÉCURSEURS

sur le Vieux Continent, on assiste au lamentable et ridicule antagonisme de personnalités nationales, voisines et proches parentes, ne différant que par des nuances, comme la France et l’Allemagne, qui se nient mutuellement et veulent s’entredétruire. Disputes de clochers, où l’esprit humain s’acharne à se mutiler. Pour moi, je le dis hautement, non seulement l’idéal intellectuel d’une nation unique m’est trop étroit ; mais celui de l’Occident réconcilié me le serait encore ; mais celui de l’Europe unie me le serait encore. L’heure est venue pour l’homme, — l’homme sain, vraiment vivant, — de marcher délibérément vers l’idéal d’une humanité universelle où les races européennes du Vieux et du Nouveau Mondes mettent en commun le trésor de leur âme avec les vieilles civilisations de l’Asie — de l’Inde et de la Chine — qui ressuscitent. Toutes ces formes magnifiques de l’humanité sont complémentaires les unes des autres. La pensée de l’avenir doit être la synthèse de toutes les grandes pensées de l’Univers. Que cette union féconde soit la mission de l’élite américaine, placée entre les deux Océans qui baignent les deux continents humains, — au centre de la vie du Monde !

En résumé, nous attendons de vous, écrivains et penseurs américains, deux choses : — d’abord, que vous défendiez la liberté, que vous gardiez ses conquêtes et que vous les élargissiez : liberté politique et liberté intellectuelle, renouvellement incessant de la vie par la liberté, ce grand fleuve de l’esprit, toujours en marche.

En second lieu, nous attendons de vous que vous réalisiez, pour le monde, l’harmonie des libertés diverses, l’expression symphonique des individualités associées, des races associées, des civilisations associées, de l’humanité intégrale et libre.

Vous avez de la chance : une jeune vie ruisselante,