XV
Le Feu
Voici un miroir implacable de la guerre. Elle s’y est reflétée, seize mois, au jour le jour. Miroir de deux yeux clairs, fins, précis, intrépides, français. L’auteur, Henri Barbusse, a dédié son livre : « À la mémoire des camarades tombés à côté de moi, à Crouy et sur la cote 119 », décembre 1915 ; et ce livre : Le Feu (Journal d’une escouade) a reçu, à Paris, la consécration du prix Goncourt.
Par quel miracle une telle parole de vérité a-t-elle pu se faire entendre intégralement, en une époque où tant de paroles libres, infiniment moins libres, sont comprimées ? Je n’essaie point de l’expliquer, mais j’en profite : car la voix de ce témoin fait rentrer dans l’ombre tous les mensonges intéressés qui, depuis trois ans, prétendent idéaliser le charnier européen.
L’œuvre est de premier ordre, et si riche de substance qu’il faudrait plus d’un article pour l’embrasser tout entière. Je tâcherai seulement ici d’en saisir les aspects principaux, — l’art et la pensée.
- ↑ Le Feu (Journal d’une escouade), par Henri Barbusse. — Paris, E. Flammarion, 1916.