Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/304

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France, à qui les Alliés refusent les passeports, pour aller rejoindre là-bas leur poste de combat. Ils n’en passent pas moins. Il est aussi question de colloques secrets, qui s’échangent, par des voies détournées, entre les opposants français à la guerre qui sont en Suisse et leurs camarades de France. Dans le réseau de barbelés qui enserre la pensée française et l’empêche de respirer, des mailles ont cédé, par où circule encore la vie appauvrie : des lettres et des journaux vont et viennent par ces trous de souris dans la frontière. Et Pitan tient les fils de ce jouet périlleux, — qui n’est inoffensif que pour les maîtres du jour ; car ce n’est pas quelques libres propos qui ont chance de pénétrer les oreilles bétonnées et l’épaisse carapace de ce grand saurien : la Nation armée. Mais ils donnent pâture à l’illusion de ceux qui, sous les chaînes, s’efforcent de se prouver encore leur liberté. — Annette retient le nom de Pitan. Il faudra lui parler. Mais ce n’est pas à Marc qu’elle s’adressera pour l’atteindre.

Elle est retournée à son poste en province. Elle a avec Germain de longs conciliabules. Elle lui a porté le message direct, la présence invisible de l’ami. Ils débattent ensemble le grand projet. Elle ne lui dit point ses doutes. Elle n’aperçoit encore aucune possibilité. Mais que Germain n’en