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Page:Rolland - Pages immortelles de J. J. Rousseau.djvu/112

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lettre a m. d’alembert

hommes connaissent est d’être estimés heureux.

Quant au choix des instruments propres à diriger l’opinion publique, c’est une autre question… que ce n’est pas ici le lieu de résoudre… Ces instruments ne sont ni des lois ni des peines, ni nulle espèce de moyens coactifs.

L’on a beau faire ; ni la raison, ni la vertu, ni les lois, ne vaincront l’opinion publique tant qu’on ne trouvera pas l’art de la changer. Encore une fois, cet art ne tient point à la violence.

…Si le gouvernement peut beaucoup sur les mœurs, c’est seulement par son institution primitive : quand une fois il les a déterminées, non seulement il n’a plus le pouvoir de les changer, à moins qu’il ne change, il a même bien de la peine à les maintenir contre les accidents inévitables qui les attaquent, et contre la pente naturelle qui les altère. Les opinions publiques, quoique si difficiles à gouverner, sont pourtant par elles-mêmes très mobiles et changeantes. Le hasard, mille causes fortuites, mille circonstances imprévues, font ce que la force et la raison ne sauraient faire ; ou plutôt c’est précisément parce que le hasard les dirige que la force n’y peut rien ; comme les dés qui partent de la main, quelque impulsion qu’on leur donne, n’en amènent pas plus aisément le point désiré.

Tout ce que la sagesse humaine peut faire