Page:Rolland - Pages immortelles de J. J. Rousseau.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
118
émile

punitions qui naissent des actions mêmes, et qu’il se rappelle dans l’occasion : sans lui défendre de mal faire, il suffit de l’en empêcher. L’expérience ou l’impuissance doivent seules lui tenir lieu de loi.

…Votre enfant ne doit rien obtenir parce qu’il en a besoin, ni rien faire par obéissance, mais seulement par nécessité : ainsi les mots d’obéir et de commander seront proscrits de son dictionnaire, encore plus ceux de devoir et d’obligation ; mais ceux de force, de nécessité, d’impuissance et de contrainte y doivent tenir une grande place.

C’est ainsi que vous le rendrez patient, égal, résigné, paisible, même quand il n’aura pas ce qu’il a voulu ; car il est dans la nature de l’homme d’endurer patiemment la nécessité des choses, mais non la mauvaise volonté d’autrui.

Posons pour maxime incontestable que les premiers mouvements de la nature sont toujours droits ; il n’y a point de perversité originelle dans le cœur humain ; il ne s’y trouve pas un seul vice dont on ne puisse dire comment et par où il y est entré.

La première éducation doit être purement négative. Elle consiste, non point à enseigner la vertu ni la vérité, mais à garantir le cœur du vice et l’esprit de l’erreur.

…La seule leçon de morale qui convienne à l’enfance, et la plus importante à tout âge, est de ne jamais faire de mal à personne. Le précepte même de faire du bien, s’il n’est