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émile

subordonné à celui-là, est dangereux, faux, contradictoire. Qui est-ce qui ne fait pas du bien ? tout le monde en fait, le méchant comme les autres ; il fait un heureux aux dépens de cent misérables, et de là viennent toutes nos calamités.

L’intelligence humaine a ses bornes, et non seulement un homme ne peut pas tout savoir, il ne peut pas même savoir en entier le peu que savent les autres hommes. Puisque la contradictoire de chaque proposition fausse est une vérité, le nombre des vérités est inépuisable comme celui des erreurs. Il y a donc un choix dans les choses qu’on doit enseigner… Le petit nombre de celles qui contribuent réellement à notre bien-être est seul digne des recherches d’un homme sage, et par conséquent d’un enfant qu’on veut rendre tel. Il ne s’agit point de savoir ce qui est, mais seulement ce qui est utile.

…Souviens-toi sans cesse que l’ignorance n’a jamais fait de mal, que l’erreur seule est funeste, et qu’on ne s’égare point par ce qu’on ne sait pas, mais par ce qu’on croit savoir.

Transformons nos sensations en idées, mais ne sautons pas tout d’un coup des objets sensibles aux objets intellectuels ; c’est par les premiers que nous devons arriver aux autres. Dans les premières opérations de l’esprit, que les sens soient toujours ses guides. Point d’autre livre que le monde, point d’autre instruction que les faits.

Rendez votre élève attentif aux phénomè-