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émile

bien plus sûres des choses qu’on apprend ainsi de soi-même, que de celles qu’on tient des enseignements d’autrui ; et, outre qu’on n’accoutume point sa raison à se soumettre servilement à l’autorité, l’on se rend plus ingénieux à trouver des rapports, à lier des idées.

Nos vrais maîtres sont l’expérience et le sentiment, et jamais l’homme ne sent bien ce qui convient à l’homme que dans les rapports où il s’est trouvé.

Sitôt que nous sommes parvenus à donner à notre élève une idée du mot utile, nous avons une grande prise de plus pour le gouverner.

A quoi cela est-il bon ? Voilà le mot sacré, le mot déterminant entre lui et moi dans toutes les actions de notre vie.

Je n’aime point les explications en discours ; les jeunes gens y font peu d’attention et ne les retiennent guère. Les choses, les choses ! Je ne répéterai jamais assez que nous donnons trop de pouvoir aux mots, avec notre éducation babillarde nous ne faisons que des babillards.

Je hais les livres ; ils n’apprennent qu’à parler de ce qu’on ne sait pas.

…Mais puisqu’il nous faut absolument des livres, il en existe un qui fournit, à mon gré, le plus heureux traité d’éducation naturelle.

…Quel est donc ce merveilleux livre ? Est-ce Aristote ? est-ce Pline ? est-ce Buffon ? Non, c’est Robinson Crusoé.