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émile

nes de la nature… mais, pour nourrir sa curiosité, ne vous pressez jamais de la satisfaire… Qu’il ne sache rien parce que vous le lui avez dit, mais parce qu’il l’a compris lui-même… Si jamais vous substituez dans son esprit l’autorité à la raison, il ne raisonnera plus ; il ne sera plus que le jouet de l’opinion des autres.

…S’il se trompe, laissez-le faire, ne corrigez point ses erreurs ; attendez en silence qu’il soit en état de les voir et de les corriger lui-même, ou, tout au plus, dans une occasion favorable, amenez quelque opération qui les lui fasse sentir. S’il ne se trompait jamais, il n’apprendrait pas si bien.

…L’esprit de mon institution n’est pas d’enseigner à l’enfant beaucoup de choses, mais de ne laisser jamais entrer dans son cerveau que des idées justes et claires. Quand il ne saurait rien, peu m’importe, pourvu qu’il ne se trompe pas, et je ne mets des vérités dans sa tête que pour le garantir des erreurs qu’il apprendrait à leur place. La raison, le jugement, viennent lentement ; les préjugés accourent en foule : c’est d’eux qu’il le faut préserver.

…Il ne s’agit point de lui enseigner les sciences, mais de lui donner du goût pour les aimer et des méthodes pour les apprendre, quand ce goût sera mieux développé. C’est là un principe fondamental de toute bonne éducation.

…On prend des notions bien plus claires et