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émile

lutions inévitables, et qu’il vous est impossible de prévoir ni de prévenir celle qui peut regarder vos enfants. Le grand devient petit ; le riche devient pauvre ; le monarque devient sujet : les coups du sort sont-ils si rares que vous puissiez compter d’en être exempt ? Nous approchons de l’état de crise et du siècle des révolutions.

…Hors de la société, l’homme isolé, ne devant rien à personne, a droit de vivre comme il lui plaît ; mais dans la société, où il vit nécessairement aux dépens des autres, il leur doit en travail le prix de son entretien… Travailler est donc un devoir indispensable à l’homme social. Riche ou pauvre, puissant ou faible, tout citoyen oisif est un fripon.

…Abaissez-vous à l’état d’artisan pour être au-dessus du vôtre.

Je veux qu’Emile apprenne un métier. Un métier honnête, au moins, direz-vous. Que signifie ce mot ? Tout métier utile au public n’est-il pas honnête ? Je ne veux point qu’il soit brodeur, ni doreur, ni vemisseur… je ne veux qu’il soit ni musicien, ni comédien, ni faiseur de livres… J’aime mieux qu’il soit cordonnier que poète ; j’aime mieux qu’il pave les grands chemins que de faire des fleurs de porcelaine. Mais, direz-vous, les archers, les espions, les bourreaux sont des gens utiles. Il ne tient qu’au gouvernement qu’ils ne le soient point.

…Emile ne sera pas longtemps ouvrier sans