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profession de foi du vicaire savoyard

le centre commun de tous les autres, autour duquel ils sont tous ordonnés, en sorte qu’ils sont tous réciproquement fins et moyens les uns relativement aux autres. L’esprit se confond et se perd dans cette infinité de rapports, dont pas un n’est confondu ni perdu dans la foule. Que d’absurdes suppositions pour déduire toute cette harmonie de l’aveugle mécanisme de la matière mue fortuitement !

Je crois que le monde est gouverné par une volonté puissante et sage ; je le vois, ou plutôt je le sens, et cela m’importe à savoir. Mais ce même monde est-il éternel ou créé ? Y a-t-il un principe unique des choses ? y en a-t-il deux ou plusieurs, et quelle est leur nature ? je n’en sais rien, et que m’importe ?

…Que la matière soit éternelle ou créée, qu’il y ait un principe passif ou qu’il n’y en ait point, toujours est-il certain que le tout est un, et annonce une intelligence unique ; car je ne vois rien qui ne soit ordonné dans le même système, et qui ne concoure à la même fin, savoir, la conservation du tout dans l’ordre établi. Cet être oui veut et qui peut, cet être actif par lui-même, cet être enfin, quel qu’il soit, qui meut l’univers et ordonne toutes choses, je l’appelle Dieu. Je joins à ce nom les idées d’intelligence, de puissance, de volonté que j’ai rassemblées, et celle de bonté qui en est une suite nécessaire : mais je n’en connais pas mieux l’être auquel je l’ai donnée ; il se dérobe également à mes sens et à mon