Page:Rolland - Pages immortelles de J. J. Rousseau.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
135
profession de foi du vicaire savoyard

vrer de mes doutes inutiles, les philosophes ne feraient que multiplier ceux qui me tourmentaient et n’en résoudraient aucun. Je pris donc un autre guide et je me dis : Consultons la lumière intérieure, elle m’égarera moins qu’ils ne m’égarent, ou du moins mon erreur sera la mienne, et je me dépraverai moins en suivant mes propres illusions qu’en me livrant à leurs mensonges.

J’existe, et j’ai des sens par lesquels je suis affecté. Voilà la première vérité qui me frappe et à laquelle je suis forcé d’acquiescer.

Non seulement j’existe, mais il existe d’autres êtres, savoir, les objets de mes sensations ; et quand ces objets ne seraient que des idées, toujours est-il vrai que ces idées ne sont pas moi.

Tout ce que je sens hors de moi et qui agit sur mes sens, je l’appelle matière ; et toutes les portions de matière que je conçois réunies en êtres individuels, je les appelle des corps. Ainsi toutes les disputes des idéalistes et des matérialistes ne signifient rien pour moi : leurs distinctions sur l’apparence et la réalité des corps sont des chimères.

Me voilà déjà tout aussi sûr de l’existence de l’univers que de la mienne. Ensuite je réfléchis sur les objets de mes sensations ; et, trouvant en moi la faculté de les comparer, je me sens doué d’une force active que je ne savais pas avoir auparavant.

Il n’y a pas un être dans l’univers qu’on ne puisse, à quelque égard, regarder comme