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Page:Rolland - Pages immortelles de J. J. Rousseau.djvu/156

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profession de foi du vicaire savoyard

et c’est à mon avis une grande preuve que ce qu’ils enseignent n’est pas la vérité[1].

Soyez sincère et vrai sans orgueil ; sachez

  1. …Bayle a très bien prouvé que le fanatisme est plus pernicieux que l’athéisme, et cela est incontestable : mais ce qu’il n’a eu garde de dire, et qui n’est pas moins vrai, c’est que le fanatisme, quoique sanguinaire et cruel, est pourtant une passion grande et forte qui élève le cœur de l’homme, qui lui fait mépriser la mort, qui lui donne un ressort prodigieux, et qu’il ne faut que mieux diriger pour en tirer les plus sublimes vertus ; au lieu que l’irréligion, et en général l’esprit raisonneur et philosophique, attache à la vie, efféminé, avilit les âmes, concentre toutes les passions dans la bassesse de l’intérêt particulier, dans l’abjection du moi humain, et sape ainsi à petit bruit les vrais fondements de toute société ; car ce que les intérêts particuliers ont de commun est si peu de chose, qu’il ne balancera jamais ce qu’ils ont d’opposé.

    Si l’athéisme ne fait pas verser le sang des hommes, c’est moins par amour pour la paix que par indifférence pour le bien ; comme que tout aille, peu importe au prétendu sage, pourvu qu’il reste en repos dans son cabinet. Ses principes ne font pas tuer les hommes, mais ils les empêchent de naître en détruisant les mœurs qui les multiplient, en les détachant de leur espèce, en réduisant toutes leurs affections à un secret égoïsme, aussi funeste à la population qu’à la vertu. L’indifférence philosophique ressemble à la tranquillité de l’état sous le despotisme : c’est la tranquillité de la mort ; elle est plus destructive que la guerre même.

    Ainsi le fanatisme, quoique plus funeste dans ses effets immédiats de ce qu’on appelle aujourd’hui l’esprit philosophique, l’est beaucoup moins dans ses conséquences.