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jean-jacques rousseau

Paris que Robinson dans son île », — se croyant épié par l’inimitié du monde entier, Rousseau écrivit ses hallucinés « Dialogues de Rousseau avec Jean-Jacques », qui sont l’analyse la plus aiguë qu’il ait jamais écrite de soi, mais le roman le plus aberrant du complot. N’imaginant plus aucun humain capable d’entendre son cri désespéré, il en appela à Dieu et décida de lui remettre directement son manuscrit, en déposant celui-ci sur le maître-autel de Notre-Dame de Paris. Il trouva la grille du chœur fermée. Ce fut le coup suprême. Il lui parut que Dieu même était contre lui… [1] (février 1776).

Puis, sa piété profonde lui remontra que, si Dieu avait permis qu’on le persécutât, cette persécution devait donc être inscrite « dans les décrets éternels », et qu’il n’avait plus qu’à s’incliner, avec douleur, mais avec confiance…

L’apaisement se fit, mais la santé mentale ne revint pas. Et la dernière œuvre qui l’occupa, « Les Rêveries du Promeneur Solitaire » (commencées en automne 1776, interrompues par sa mort en 1778), ne le montrent

  1. Il tira aussi un grand nombre de copies d’un appel : « A tout Français aimant encore la justice et la vérité » ; et il les distribue dans les rues. — En avril 1776, il remit le manuscrit des « Dialogues » à un jeune visiteur Anglais, qui lui parut envoyé du ciel ; et cet ami fit imprimer l’œuvre, à Londres, en 1780. L’original est au British Museum.