Page:Rolland - Par la révolution, la paix.djvu/11

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’esprit, qui devait paraître d’abord (décapitée de son titre) dans l’Humanité du 26 juin 1919, et j’en avais soumis le texte, afin qu’ils l’approuvassent ou qu’ils le critiquassent, aux principaux écrivains d’Europe que j’estimais[1]. Bernard Shaw la critiqua. Je n’en fus point surpris. Moi-même, je donnais raison, in petto, à plusieurs de ses critiques. Mais avec son outrance coutumière de grand auteur comique, pour qui le monde entier est un théâtre, Shaw en venait, dans sa répulsion justifiée de tout pharisaïsme, à faire l’apologie cynique des errements d’intellectuels, de la haine et du mensonge, comme d’une nécessité inéluctable pendant la guerre. Je pense que le public aura quelque intérêt à connaître la petite joute d’armes, qui se livra entre nous :

I. — Bernard Shaw à Romain Rolland.
Ayot St. Lawrence, Welwyn, Herts, 7 mai 1919.
Mon cher Romain Rolland,

Il faut une confession plutôt qu’un reproche : sans cela nous aurons l’air d’être Pharisien, même snob. Pour l’éviter, j’ai osé raccommoder un peu votre brouillon. Qu’en pensez-vous ? Naturellement, vous saurez rédiger mon baragouin : je suis vil linguiste… Bonne poignée de main.

G. Bernard Shaw.

À cette lettre était jointe la copie que j’avais envoyée de ma Déclaration, et que Shaw avait révisée. J’en donnerai ici seulement les passages qu’il a substitués ou ajoutés à mon texte. Pour celui-ci, on te trouvera, à la fin de mon volume : « Les Précurseurs », et au début de : « Quinze ans de Combat » : car cette Déclaration forme,

  1. Les réponses ont été enregistrées dans mon Journal des années de guerre, qui sera publié plus tard. La correspondance qui suit, avec Bernard Shaw, est extraite du Cahier XXIX.