Page:Rolland - Par la révolution, la paix.djvu/25

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leurs adversaires prendre toutes les initiatives. Rien ne paraît préoccuper plus ces bonnes gens que de s’excuser à l’avance contre l’accusation qu’on pourrait leur faire de n’être pas de solides patriotes français. Et tout leur effort est de démontrer que l’internationalisme le meilleur est le meilleur gardien de la patrie. C’est fort bien ; et la galerie a plaisir à leur voir faire un pas en avant, pour le refaire aussitôt en arrière. Mais pendant ces évolutions de ballet, leurs adversaires ne s’embarrassent point de tant de scrupules. Et ce sont les messieurs de droite, les conservateurs, les gens du sac, les gens du sabre, qui, lorsque l’intérêt le leur conseille, jettent par-dessus bord la vieille patrie et vous fabriquent, en un tour de main, l’Internationale du capital et de la guerre. Et cette Internationale des bien-pensants sera demain la Sainte-Alliance pour l’écrasement de toutes les libertés.

Ajoutons que, dans le cas spécial de la Russie, nos gens de gauche sont une médiocre garantie contre les dangers d’une intervention. Certes, ils seraient opposés à toute guerre contre l’U.R.S.S. Mais ils ne cachent pas leur intention de se servir de la Pan-Europe, plus habilement, pour faire pression sur le communisme de Moscou et obliger l’immense Union des Républiques socialistes soviétiques à revenir à cet état de félicité démocratique, dont nos Républiques parlementaires ont gratifié l’Occident. Il ne faut point disputer des goûts ; et si c’est celui de l’Occident, je trouve très bien qu’il le garde : qu’il savoure son bonheur ! Mais qu’il ne se mêle pas de le faire partager à ceux qui ne le lui demandent pas ! Nous estimons, nous, que l’U.R.S.S. a fait, depuis dix ans, une expérience sociale grandiose et douloureuse — dont le succès est encore incertain — mais qui est l’unique effort puissant de la vieille Europe pour créer un monde nou-