Page:Rolland - Par la révolution, la paix.djvu/79

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Edmond Privat, qui a parcouru l’Inde, après l’emprisonnement de Gandhi, m’a dit qu’une des pires tristesses est de voir que, par ses sévices et son régime d’ignobles prisons, l’Empire aura ruiné la santé et les forces physiques de toute une génération, la plus belle, la plus idéaliste qui ait jamais été. — Naturellement, Gandhi lui-même et ses plus proches sont épargnés[1], comme l’était Tolstoï sous les tsars persécuteurs des Tolstoïens. (Et cependant, il s’en faut que les Anglais soient des plus cruels parmi les oppresseurs. Ils sont, de beaucoup, les plus modérés, à l’heure actuelle.)

Entendez-vous par la violence que Gandhi empêche de s’exercer, celle de l’Inde ? — Connaissez bien la situation ! Gandhi n’a jamais imposé la Non-Violence à l’Inde. Il a son armée du Satyagraha, dont il est le chef, le guide spirituel absolu : à cette armée, il impose sa loi morale. Et le Congrès National de toute l’Inde, dont la majorité n’est pas non-violente, a autorisé Gandhi à faire la grande expérience, en s’engageant à s’y associer, pour un temps, — et jusqu’à la preuve que l’expérience produit ou non les résultats annoncés par Gandhi. Si elle ne les produit pas, le Congrès et Gandhi reprennent, chacun, leur liberté. Gandhi se retire de l’action politique[2], en gardant pour lui et pour ses disciples sa loi ; et le Congrès recourt à d’autres armes. — L’expérience n’est donc pas faite. Elle se fait, sous nos yeux. Et elle se fait dans des conditions privilégiées, avec un chef et avec un peuple immenses, pénétrés, depuis des siècles, de la doctrine de l’Ahimsâ (la Non-Violence). — Nous sommes loin de

  1. Mais non le chef le plus redouté, pour son intelligence de l’action politique et pour son caractère : Jawaharlal Nehru, implacablement retenu en prison.
  2. C’est ce qu’il a fait, le 30 octobre 1934.