Page:Rolland - Par la révolution, la paix.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

désintéressé, qui croit en elle, comme aux temps anciens on a cru en Christ ! J’ai été et je suis en rapports avec des jeunes hommes de tous les pays : j’ai vu souvent chez eux le patriotisme absorber leurs forces passionnées de sacrifice, leur besoin d’agir pour les autres et de se donner. Il est déplorable que ces forces soient ainsi captées ; mais elles ne sont rien moins que méprisables. Dans une âme bien née, la passion du sacrifice est naturelle, est belle, est bonne, est saine en soi. Bien loin de la combattre, il faut la cultiver, mais en la tournant vers l’objet le plus haut et le plus pur.

C’est là que doit être la tâche positive des opposants à la patrie et à la guerre. À l’ancien idéal il faut opposer l’idéal nouveau, et ne pas craindre de le faire flamber dans le cœur des hommes d’aujourd’hui, de toutes les flammes de la foi nouvelle.

Vous semblez avoir peur, dans votre livre, du mot de foi, du mot d’âme : vous vous excusez (p. 139) d’employer ce dernier. Mes chers amis, que l’âme existe ou non, « hoc signo vinces », vous ne vaincrez que si vous agissez comme si elle existait, comme si vous étiez sûrs de l’éternité.

Car vous n’êtes pas, dans la lutte qui s’engage, une majorité de nombre (p. 120) et de la raison contre une minorité immorale. Vous êtes une élite, une minorité morale, contre une majorité où s’allient intérêts et dévouements, mensonges et foi morale. Vos forces de simple raison raisonnante ne suffiraient pas si vous n’y ajoutiez les forces surhumaines qui sont en nous, la foi dans les valeurs éternelles, dans la fraternité des êtres et dans l’amour. Il n’y a pas besoin d’un Dieu extérieur à nous, ou d’une idole, pour avoir la foi. (Mais il faut la foi.) Le divin est en nous, — en nous, Humanité : éveillez-le !