Page:Rolland - Vie de Beethoven.djvu/84

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par cinq salves d’applaudissements ; la coutume, dans ce pays de l’étiquette, était de n’en faire que trois pour l’entrée de la famille impériale. La police dut mettre fin aux manifestations. La symphonie souleva un enthousiasme frénétique. Beaucoup pleuraient. Beethoven s’évanouit d’émotion après le concert ; on le porta chez Schindler ; il y resta assoupi, tout habillé, sans manger ni boire, toute la nuit et le matin suivant. Le triomphe fut passager, et le résultat pratique en fut nul pour Beethoven. Le concert ne rapporta rien. La gêne matérielle de sa vie n’en fut point changée. Il se retrouva pauvre, malade[1], solitaire, — mais vainqueur[2] : — vainqueur de la médiocrité des hommes,

  1. En août 1824, il était hanté de la crainte de mourir brusquement d’une attaque, « comme mon cher grand-père, avec qui j’ai tant de ressemblance », écrit-il, le 16 août 1824, au docteur Bach.
    Il souffrait beaucoup de l’estomac. Il fut très mal pendant l’hiver de 1824-1825. En mai 1825, il eut des crachements de sang, et des saignements de nez. Le 9 juin 1825, il écrit à son neveu : « Ma faiblesse touche souvent à l’extrême.... L’homme à la faux ne tardera pas à venir. »
  2. La Neuvième Symphonie fut exécutée pour la première fois, en Allemagne, à Francfort, le 1er avril 1825 ; à Londres, dès le 25 mars 1825 ; à Paris, au Conservatoire, le 27 mars 1831. Mendelssohn, âgé de dix-sept ans, en donna une audition sur le piano, à la Jaegerhalle de Berlin, le 14 novembre 1826. Wagner, étudiant à Leipzig, la recopia tout entière de sa main ; et, dans une lettre du 6 octobre 1830 à l’éditeur Schott, il lui offre une réduction de la symphonie, pour piano à deux mains. On peut dire que la Neuvième Symphonie décida de la vie de Wagner.