Page:Rolland - Vie de Tolstoï.djvu/182

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Cette paix et cette joie, qu’alors il se vantait d’avoir, lui sont-elles restées fidèles ?

Les espérances de la « grande Révolution » de 1905 s’étaient évanouies. Des ténèbres amoncelées, la lumière attendue n’était point sortie. Aux convulsions révolutionnaires succédait l’épuisement. À l’ancienne injustice rien n’avait changé, sinon que la misère avait encore grossi. Déjà en 1906, Tolstoï a perdu un peu confiance dans la vocation historique du peuple slave de Russie ; et sa foi obstinée cherche, au loin, d’autres peuples qu’il puisse investir de cette mission. Il pense au « grand et sage peuple chinois ». Il croit « que les peuples d’Orient sont appelés à retrouver cette liberté, que les peuples d’Occident ont perdue presque sans retour », et que la Chine, à la tête des Asiatiques, accomplira la transformation de l’humanité dans la voie du Tao, de la Loi éternelle[1].

Espoir vite déçu : la Chine de Lao-Tse et de Confucius renie sa sagesse passée, comme déjà l’avait fait le Japon avant elle, pour imiter l’Europe[2]. Les Doukhobors persécutés ont émigré au Canada ; et là, ils ont aussitôt, au scandale de Tolstoï, restauré la propriété[3]. Les Gouriens, à

  1. Lettre à un Chinois, octobre 1906 (Corresp. inéd., p. 381 et suiv.).
  2. Tolstoï en exprimait déjà la crainte, dans sa lettre de 1906.
  3. « Ce n’était pas la peine de refuser le service militaire et policier, pour admettre la propriété, qui ne se maintient que par le service militaire et policier. Les hommes qui accomplissent