Page:Rolland - Vie de Tolstoï.djvu/183

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peine délivrés du joug de l’État, se sont mis à assommer ceux qui ne pensaient pas comme eux ; et les troupes russes, appelées, ont tout fait rentrer dans l’ordre. Il n’est pas jusqu’aux Juifs, — eux, « dont la patrie jusqu’alors, la plus belle que pût désirer un homme, était le Livre[1] », — qui ne tombent dans la maladie du Sionisme, ce mouvement faussement national » « qui est la chair de la chair de l’européanisme contemporain, son enfant rachitique[2] ».

Tolstoï est triste, mais il n’est pas découragé. Il fait crédit à Dieu, il croit en l’avenir[3] :

Ce serait parfait, si on pouvait faire pousser une forêt, en un clin d’œil. Malheureusement, c’est impossible, il faut attendre que la semence germe, fasse venir des pousses, puis des feuilles, puis la tige qui se transforme enfin en arbre[4].

Mais il faut beaucoup d’arbres pour faire une

    ce service et profitent de la propriété agissent mieux que ceux qui refusent tout service, en jouissant de la propriété. » (Lettre aux Doukhobors du Canada, 1899, Corresp. inéd., p. 248-260.)

  1. Lire dans les Entretiens avec Ténéromo, la belle page sur « le sage Juif qui plongé dans ce Livre, n’a pas vu les siècles s’écrouler sur sa tête, et les peuples qui paraissaient et disparaissaient de la terre ».
  2. « Voir le progrès de l’Europe dans les horreurs de l’État moderne, l’État sanglant, vouloir créer un nouveau Judenstaat, c’est un péché abominable. — (Ibid.)
  3. Et l’avenir lui donne raison. Et Dieu s’est acquitté largement envers lui. Quelques mois avant sa mort, lui vient, du bout de l’Afrique, l’écho de la voix messianique de Gandhi. (Voir, à la fin du volume, le chapitre, La réponse de l’Asie à Tolstoy, p. 214.)
  4. Appel aux hommes politiques, 1905.