Page:Rolland - Vie de Tolstoï.djvu/204

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sa jalouse indépendance, par sa ferveur d’adoration pour l’Évangile et pour la morale chrétienne, Rousseau annonce Tolstoï, qui se réclamait de lui : « Telles de ses pages me vont au cœur, disait-il, je crois que je les aurais écrites[1]. »

    les oiseaux. La jouissance principale de la nature, c’est quand je me sens faire partie du tout. — Ici (en Suisse), le lointain infini est beau, mais je suis sans liens avec lui. » (Mai 1857.)

  1. Entretiens avec M. Paul Boyer (Le Temps, 28 août 1901).

    De fait, on s’y tromperait souvent. Soit à cette profession de foi de Julie mourante :

    « Ce qu’il m’était impossible de croire, je n’ai pu dire que je le croyais, et j’ai toujours cru ce que je disais croire. C’était tout ce qui dépendait de moi. »

    À rapprocher de la lettre de Tolstoï au Saint-Synode :

    « Il se peut que mes croyances gênent ou déplaisent. Il n’est pas en mon pouvoir de les changer, comme il n’est pas en mon pouvoir de changer mon corps. Je ne puis croire autre chose que ce que je crois, à l’heure où je me dispose à retourner vers ce Dieu, dont je suis sorti. »

    Ou bien ce passage de la Réponse à Christophe de Beaumont, qui semble du pur Tolstoï :

    « Je suis disciple de Jésus-Christ. Mon Maître m’a dit que celui qui aime son frère a accompli la Loi. »

    Ou encore :

    « Toute l’oraison dominicale tient en entier dans ces paroles : Que Ta volonté soit faite ! » (Troisième lettre de la Montagne.)

    À rapprocher de :

    « Je remplace toutes mes prières par le Pater Noster. Toutes les demandes que je puis adresser à Dieu sont exprimées avec plus de hauteur morale par ces mots : Que Ta volonté soit faite ! » (Journal de Tolstoï, au Caucase, 1852-53.)

    Les ressemblances de pensée ne sont pas moins fréquentes sur le terrain de l’art que sur celui de la religion :

    « La première règle de l’art d’écrire, dit Rousseau, est de parler clairement et de rendre exactement sa pensée. »

    Et Tolstoï :

    « Pensez ce que vous voudrez, mais de telle façon que chaque mot puisse être compris de tous. On ne peut rien écrire de mauvais dans une langue tout à fait claire. »

    J’ai montré ailleurs que les descriptions satiriques de l’Opéra de Paris, dans la Nouvelle Heloïse, ont beaucoup de rapports avec les critiques de Tolstoï, dans Qu’est-ce que l’art ?