Page:Rolland - Vie de Tolstoï.djvu/205

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Mais quelle différence entre les deux âmes, et comme celle de Tolstoï est plus purement chrétienne ! Quel manque d’humilité, quelle arrogance pharisienne, dans ce cri insolent des Confessions de l’homme de Genève :

Être éternel ! Qu’un seul te dise, s’il l’ose : Je fus meilleur que cet homme-là !

Ou dans ce défi au monde :

Je le déclare hautement et sans crainte : quiconque pourra me croire un malhonnête homme est lui-même un homme à étouffer.

Tolstoï pleurait des larmes de sang sur les « crimes » de sa vie passée :

J’éprouve les souffrances de l’enfer. Je me rappelle toute ma lâcheté passée, et ces souvenirs ne me quittent pas, ils empoisonnent ma vie. On regrette d’ordinaire que l’on ne garde pas le souvenir après la mort. Quel bonheur qu’il en soit ainsi ! Quelle souffrance ce serait, si, dans cette autre vie, je me rappelais tout le mal que je commis ici-bas[1] !…

Ce n’est pas lui qui eût écrit ses Confessions, comme Rousseau, parce que, dit celui-ci, « sentant

  1. Journal, 6 janvier 1903 (cité dans la Préface de Tolstoï à ses Souvenirs, 1er volume de Vie et Œuvre de Tolstoï, publié par Birukov).