Page:Rolland - Vie de Tolstoï.djvu/218

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— bien qu’elle ne fasse jamais tort à la lucidité psychologique de Tolstoy :

Le faux coupon : un long récit, presque un roman, qui veut montrer l’enchaînement, dans le monde, de tous les actes individuels, bons ou mauvais. Un faux, commis par deux collégiens, déclenche toute une suite de crimes, de plus en plus horribles, — jusqu’à ce que l’acte de résignation sainte d’une pauvre femme qu’assassine une brute agisse sur l’assassin et, par lui, de proche en proche, remonte jusqu’aux premiers auteurs de tout le mal, qui se trouvent ainsi rachetés par leurs victimes. Le sujet est superbe, et touche à l’épopée ; l’œuvre aurait pu atteindre à la grandeur fatale des tragédies antiques. Mais le récit est trop long, trop morcelé, sans ampleur ; et bien que chaque personnage soit justement caractérisé, ils restent tous indifférents.

La sagesse enfantine est une suite de vingt et un dialogues entre des enfants, sur tous les grands sujets : religion, art, science, instruction, patrie, etc. Ils ne sont pas sans verve ; mais le procédé fatigue vite, tant de fois répété.

Le jeune tsar, qui rêve des malheurs qu’il cause malgré lui, est une des œuvres les plus faibles du recueil.

Enfin, je me contente d’énumérer quelques esquisses fragmentaires : Deux pèlerins, — Le pope Vassili, — Quels sont les assassins ? etc.

Dans l’ensemble de ces œuvres, on est frappé de la vigueur intellectuelle, conservée par Tolstoy jusqu’à son dernier jour[1]. Il peut sembler verbeux, quand il expose ses idées sociales ; mais toutes les fois qu’il est en face d’une action, d’un personnage vivant, le

  1. Cette santé d’esprit se manifeste dans les récits qui ont été faits par Tchertkov et par les médecins de la dernière maladie de Tolstoy. Presque jusqu’à la fin, il a continué, chaque jour, d’écrire ou de dicter son Journal.