Page:Rolland - Vie de Tolstoï.djvu/33

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époque, n’ont été rédigés que plus tard : en 1854-5, la Coupe en forêt[1], d’un réalisme exact, un peu froid, mais plein de notations curieuses pour la psychologie du soldat russe, — des notes pour l’avenir ; — en 1856, une Rencontre au Détachement avec une connaissance de Moscou[2], un homme du monde, déchu, sous-officier dégradé, poltron, ivrogne et menteur, qui ne peut se faire à l’idée d’être tué comme un de ces soldats qu’il méprise et dont le moindre vaut cent fois mieux que lui.


Au-dessus de toutes ces œuvres s’élève, cime la plus haute de cette première chaîne de montagnes, un des plus beaux romans lyriques que Tolstoï ait écrits, le chant de sa jeunesse, le poème du Caucase, les Cosaques[3]. La splendeur des montagnes neigeuses qui déroulent leurs nobles lignes sur le ciel lumineux remplit de sa musique le livre tout entier. L’œuvre est unique par cette fleur du génie, « le tout-puissant dieu de la jeunesse, comme dit Tolstoï, cet élan qui ne se retrouve plus ». Quel torrent printanier ! Quelles effusions d’amour !

« J’aime, j’aime tant !… Braves ! Bons !… » répétait-il, et il voulait pleurer. Pourquoi ? qui était brave ? qui aimait-il ? Il ne le savait pas bien[4].

  1. T. iii des Œuvres complètes.
  2. T. iv des Œuvres complètes.
  3. Bien qu’ils aient été terminés beaucoup plus tard, en 1860, à Hyères (ils ne parurent qu’en 1863), le gros de l’œuvre est de cette époque.
  4. Les Cosaques, t. iii des Œuvres complètes.