Page:Rolland - Vie de Tolstoï.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

physionomies russes, simples, calmes, qu’il est très facile et très agréable de regarder droit dans les yeux ». Lourd, gauche, un peu ridicule, indifférent à ce qui l’entoure, lui seul ne change pas dans la bataille, où tous les autres changent ; « il est exactement comme on l’a toujours vu ; les mêmes mouvements tranquilles, la même voix égale, la même expression de simplicité sur son visage naïf et lourd ». Auprès de lui, le lieutenant joue les héros de Lermontov, et, très bon, fait mine de sentiments féroces. Et le pauvre petit sous-lieutenant, tout joyeux de sa première affaire, débordant de tendresse, prêt à sauter au cou de chacun, adorable et risible, se fait stupidement tuer, comme Pétia Rostov. Au milieu du tableau, la figure de Tolstoï, qui observe, sans se mêler aux pensées de ses compagnons ; déjà il fait entendre son cri de protestation contre la guerre :

Les hommes ne peuvent-ils donc vivre à l’aise, dans ce monde si beau, sous cet incommensurable ciel étoilé ? Comment peuvent-ils, ici, conserver des sentiments de méchanceté, de vengeance, la rage de détruire leurs semblables ? Tout ce qu’il y a de mauvais dans le cœur humain devrait disparaître au contact de la nature, cette expression la plus immédiate du beau et du bien[1].

D’autres récits du Caucase, observés à cette

  1. L’Incursion, t. iii des Œuvres complètes.