Page:Rolland - Vie de Tolstoï.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

âmes anémiées l’ouragan de la guerre. La patrie est envahie. Borodino. Grandeur solennelle de cette journée. Les inimitiés s’effacent. Dologhov embrasse son ennemi Pierre. André, blessé, pleure de tendresse et de pitié sur le malheur de l’homme qu’il haïssait le plus, Anatole Kouraguine, son voisin d’ambulance. L’unité des cœurs s’accomplit par le sacrifice passionné à la patrie et par la soumission aux lois divines.

Accepter l’effroyable nécessité de la guerre, sérieusement, avec austérité… L’épreuve la plus difficile est la soumission de la liberté humaine aux lois divines. La simplicité de cœur consiste dans la soumission à la volonté de Dieu.

L’âme du peuple russe et sa soumission au destin s’incarnent dans le généralissime Koutouzov :

Ce vieillard, qui n’avait plus, en fait de passions, que l’expérience, résultat des passions, et chez qui l’intelligence, destinée à grouper les faits et à en tirer des conclusions, était remplacée par une contemplation philosophique des événements, n’invente rien, n’entreprend rien ; mais il écoute et se rappelle tout, il saura s’en servir au bon moment, n’entravera rien d’utile, ne permettra rien de nuisible. Il épie sur le visage de ses troupes cette force insaisissable qui s’appelle la volonté de vaincre, la victoire future. Il admet quelque chose de plus puissant que sa