Page:Rolland Clerambault.djvu/113

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quentes et vieillies, qu’on nommait, par abus, « humanités », encore que sur beaucoup de points elles blessassent le bon sens et le cœur de l’humanité d’aujourd’hui, avaient reçu l’estampille de l’État Romain, prototype de tous les États européens. Leurs interprètes attitrés étaient des rhéteurs au service de l’État.

Les philosophes régnaient dans la construction abstraite. Ils avaient l’art d’expliquer le concret par l’abstrait, le réel par son ombre, de systématiser quelques observations hâtives, partialement choisies, et, dans leurs alambics, d’en extraire des lois pour régir l’univers ; ils s’appliquaient à asservir la vie multiple et changeante à l’unité de l’esprit — c’est-à-dire de leur esprit. Cet impérialisme de la raison était favorisé par les roueries complaisantes d’un métier sophistique, rompu au maniement des idées ; ils savaient les tirer, étirer, tordre et nouer ensemble, comme des pâtes de guimauve : ce n’est pas à eux qu’il eût été difficile de faire passer un chameau par le trou d’une aiguille ! Ils pouvaient aussi bien prouver le blanc que le noir, et trouvaient à volonté dans Emmanuel Kant la liberté du monde, ou le militarisme prussien.

Les historiens étaient les scribes nés, les notaires et avoués de l’État, préposés à la garde de ses chartes, de ses titres et procès, et armés jusqu’aux dents pour les chicanes futures… L’histoire ! Qu’est-ce que l’histoire ? L’histoire du succès, la démonstration du fait accompli, qu’il soit injuste ou juste ! Les vaincus n’ont pas d’histoire. Silence à vous, Perses de Salamine,