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Page:Rolland Clerambault.djvu/137

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quand il vit que Clerambault avait vraiment besoin de lui, et que peut-être il lui éviterait quelque imprudence, il consentit, avec un soupir, à sacrifier sa matinée.

Clerambault exposa le résultat de ses démarches. Il se rendait compte que le monde actuel obéissait à une foi différente de la sienne. Il l’avait servie et partagée cette foi ; aujourd’hui encore, il était assez juste pour lui reconnaître une certaine grandeur, une beauté certaine. Mais depuis les dernières épreuves, il en avait vu aussi l’absurdité et l’horreur ; il s’en était détaché, et il avait dû épouser un autre idéal, qui fatalement le mettait aux prises avec le premier. Cet idéal, Clerambault l’exprima en traits brefs et passionnés ; et il demanda à Perrotin de lui dire s’il le trouvait vrai ou faux. Mais clairement, franchement, en laissant de côté toute forme de politesse, tout ménagement. Et Perrotin, frappé du sérieux tragique de Clerambault, changea complètement de ton, se mit au diapason.

— Enfin, est-ce que j’ai tort ? demandait Clerambault, angoissé. Je vois bien que je suis seul ; mais je ne puis autrement. Dites-moi, sans m’épargner : ai-je tort de penser ce que je pense ?

Perrotin répondit gravement :

— Non, mon ami, vous avez raison.

— Alors, je dois combattre l’erreur meurtrière des autres ?

— Cela, c’est une autre affaire.

— Si j’ai la vérité, est-ce pour la trahir ?

— La vérité, mon pauvre ami ?… Non, ne me regardez pas ainsi ! Vous croyez que je vais dire comme