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Le développement universel des démocraties, mâtinées d’une survivance fossile : la monstrueuse raison d’État, a conduit les esprits d’Europe à cet article de foi que l’homme n’a pas de plus haut idéal que de se faire le serviteur de la communauté. Et cette communauté, on la définit : État.

J’ose le dire : qui se fait le serviteur aveugle d’une communauté aveugle — ou aveuglée — comme le sont tous les États d’aujourd’hui, où quelques hommes généralement incapables d’embrasser la complexité des peuples, ne savent que leur imposer, par le mensonge de la presse et le mécanisme implacable de l’État centralisé, des pensées et des actes conformes à leurs propres caprices, leurs passions et leurs intérêts, — celui-là ne sert pas vraiment la communauté, il l’asservit et l’avilit, avec lui. Qui veut être utile aux autres doit d’abord être libre. L’amour même n’a point de prix, si c’est celui d’un esclave.

De libres âmes, de fermes caractères, c’est ce dont le monde manque le plus aujourd’hui. Par tous les chemins divers : — soumission cadavérique des Églises, intolérance étouffante des patries, unitarisme abêtissant des socialismes — nous retournons à la vie grégaire. L’homme s’est lentement dégagé du limon chaud de la terre. Il semble que son effort millénaire l’ait épuisé : il se laisse retomber dans la glaise ; l’âme collective le happe ; il est bu par le souffle écœurant de l’abîme… Allons, ressaisissez-vous, vous qui ne croyez pas que le cycle de l’homme soit révolu ! Osez vous détacher du troupeau qui vous entraîne ! Tout homme