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Page:Rolland Clerambault.djvu/183

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riche clientèle. Avec cette clientèle et tous les fournisseurs, ses confrères de la presse et des théâtres du boulevard, ces petits-neveux de Parny et de Crébillon junior, il s’érigea soudain en Brutus, immolant ses fils. Son excuse d’ailleurs était qu’il n’en avait pas. Mais peut-être le regrettait-il.

Clerambault n’avait rien à lui reprocher ; aussi n’y songeait-il point. Mais il songeait encore moins que son vieux camarade l’amoraliste se ferait contre lui le procureur de la Patrie outragée. Était-ce seulement de la Patrie ? La furieuse diatribe que Bertin déversa sur Clerambault décelait, semblait-il, un ressentiment personnel, que Clerambault ne s’expliquait pas. Dans le désarroi des esprits, il eût été compréhensible que Bertin fût choqué par la pensée de Clerambault et s’en expliquât avec lui, librement, seul à seul. — Mais, sans le prévenir, il débutait par une exécution publique. En première page de son journal, il l’empoignait, avec une violence inouïe. Il n’attaquait pas seulement ses idées, mais son caractère. De la crise de conscience tragique de Clerambault, il faisait un accès de mégalomanie littéraire, dont était responsable un succès disproportionné. On eût dit qu’il cherchât les termes les plus blessants pour l’amour-propre de Clerambault. Il terminait sur un ton de supériorité outrageante, en le sommant de rétracter ses erreurs.

La virulence de l’article et la notoriété du chroniqueur firent du « cas Clerambault » un événement parisien. Il occupa la presse pendant près d’une semaine, ce qui était beaucoup pour ces cervelles d’oi-