Page:Rolland Clerambault.djvu/194

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ment, chez un intellectuel, surtout chez un inconnu de science, les pièces se juxtaposent, et l’on voit les sutures.

— Cependant, dit Clerambault, achevant tout haut les réflexions qu’il venait de faire en silence, les données de la science elle-même se transforment. Les conceptions de la chimie, de la physique, subissent depuis vingt ans une crise de renouvellement, qui les bouleverse en les fécondant. Et les prétendues lois qui régissent la société humaine, ou plutôt le brigandage chronique des nations, ne pourraient être changées ! N’y a-t-il point place dans votre esprit pour l’espoir d’un avenir plus haut ?

— Nous ne pourrions pas combattre, dit Daniel, si nous n’avions l’espoir d’établir un ordre plus juste et plus humain. Beaucoup de mes compagnons espèrent par cette guerre mettre fin à la guerre. Je n’ai pas cette confiance, et je n’en demande pas tant. Mais je sais avec certitude que notre France est en danger, et que si elle était vaincue, sa défaite serait celle de l’humanité.

— La défaite de chaque peuple est celle de l’humanité, car tous sont nécessaires. L’union de tous les peuples serait la seule vraie victoire. Toute autre ruine les vainqueurs autant que les vaincus. Chaque jour de cette guerre qui se prolonge fait couler le sang précieux de la France, et elle risque d’en rester épuisée pour jamais.

Daniel arrêta ces paroles, d’un geste irrité et douloureux. Oui, il le savait, il le savait Qui le savait mieux que lui, que la France mourait, chaque jour, de