Page:Rolland Clerambault.djvu/196

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Ah ! le pauvre Daniel ! Ne prévoit-il donc pas, dans le meilleur des cas, les excès dont se souillera fatalement cette victoire, et que ce sera au tour du vaincu de reprendre la volonté maniaque de revanche et de juste victoire ? Chaque nation veut la fin des guerres, par sa propre victoire. Et de victoire en victoire, l’humanité s’écroule dans la défaite.

Daniel se leva, pour prendre congé. Serrant les mains de Clerambault, il lui rappela avec émotion ses poèmes d’autrefois où, redisant la parole héroïque de Beethoven, Clerambault exaltait la souffrance féconde… « Durch Leiden Freude… »

— « Hélas ! Hélas ! Comme ils comprennent ! Nous chantons la souffrance, pour nous en délivrer. Mais eux, ils s’en éprennent ! Et voici que notre chant de délivrance devient pour les autres hommes un chant d’oppression… »

Clerambault ne répondit pas. Il aimait ce cher garçon. Ces pauvres gens qui se sacrifient savent bien qu’ils n’ont rien à gagner à la guerre. Et plus on leur demande de sacrifices, plus ils croient. Bénis soient-ils !… Mais si du moins ils voulaient bien ne pas sacrifier avec eux l’humanité entière !…